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Par ordonnance du 19 juin 2025, la Première Vice-Présidente du tribunal judiciaire de Pontoise s’est prononcée sur le contrôle judiciaire d’une mesure d’hospitalisation psychiatrique sous contrainte. Cette décision illustre l’articulation entre le contrôle juridictionnel obligatoire et l’évolution de la situation du patient au cours de la procédure.
Un homme né le 5 avril 1994 faisait l’objet de soins psychiatriques sous contrainte à la demande du représentant de l’État. Conformément aux dispositions du code de la santé publique, le Préfet du Val-d’Oise a saisi le juge des libertés et de la détention le 13 juin 2025 aux fins de contrôle de la nécessité du maintien de l’hospitalisation complète. Le patient comparaissait assisté de son conseil lors de l’audience tenue dans les locaux de l’établissement hospitalier. Le ministère public avait transmis ses réquisitions écrites.
Entre la saisine du juge et l’audience, la situation du patient a évolué. La juridiction constate que l’intéressé bénéficie depuis le 18 juin 2025 d’un programme de soins substitué à l’hospitalisation complète. Le patient n’est plus hospitalisé dans le cadre de soins contraints au jour du prononcé de la décision.
La question posée au juge était la suivante : le tribunal doit-il statuer sur le maintien d’une hospitalisation complète lorsque celle-ci a été transformée en programme de soins avant l’audience de contrôle ?
La juridiction répond par la négative. Elle dit n’y avoir lieu à statuer sur la requête tendant au maintien de la mesure d’hospitalisation sous contrainte, celle-ci étant devenue sans objet.
Cette décision met en lumière la disparition de l’objet du litige comme obstacle au contrôle juridictionnel (I), tout en soulevant la question de l’articulation entre les différentes modalités de soins contraints (II).
I. La disparition de l’objet du litige, obstacle au contrôle juridictionnel
La transformation de la mesure d’hospitalisation en programme de soins prive le juge de son pouvoir de contrôle (A), ce qui révèle les limites de la saisine obligatoire face à l’évolution rapide des situations (B).
A. L’absence d’hospitalisation complète au jour de l’audience
Le tribunal constate que « [l’intéressé] fait l’objet d’un programme de soins depuis le 18 juin 2025 ». Cette transformation de la mesure intervient postérieurement à la saisine du juge mais antérieurement à l’audience. La juridiction en tire la conséquence logique que l’intéressé « n’est plus hospitalisé dans le cadre de soins contraints ».
Le contrôle prévu à l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique porte sur le maintien de l’hospitalisation complète. La substitution d’un programme de soins à cette hospitalisation fait disparaître l’objet même de la saisine. Le juge ne peut se prononcer sur la nécessité de poursuivre une mesure qui n’existe plus.
Cette solution procède d’une application rigoureuse du principe selon lequel le juge ne statue que sur les demandes dont il est saisi. La requête préfectorale tendait au contrôle de l’hospitalisation complète. Le passage à un programme de soins modifie la nature de la contrainte exercée sur le patient et, partant, le cadre juridique applicable.
B. Les limites temporelles de la saisine obligatoire
La procédure de saisine obligatoire vise à garantir le contrôle systématique du juge sur les hospitalisations complètes sous contrainte. L’article L. 3211-12-1 impose un examen juridictionnel dans des délais stricts. Ce mécanisme protecteur peut néanmoins se heurter à la réalité clinique.
La décision de transformer l’hospitalisation complète en programme de soins relève de l’autorité administrative sur proposition médicale. Elle peut intervenir à tout moment, y compris dans le bref délai séparant la saisine du juge de l’audience. Le tribunal se trouve alors confronté à une situation nouvelle qu’il ne peut ignorer.
L’ordonnance du 19 juin 2025 révèle cette difficulté pratique. Le juge saisi le 13 juin constate cinq jours plus tard que la mesure dont il devait contrôler le maintien a été modifiée la veille. Le non-lieu à statuer apparaît comme la seule issue procédurale cohérente. La juridiction ne saurait apprécier la nécessité d’une hospitalisation qui n’est plus d’actualité.
II. L’articulation perfectible entre contrôle judiciaire et évolution des soins
Le non-lieu à statuer laisse subsister des interrogations sur le sort du programme de soins (A), tandis que la protection effective des droits du patient demeure tributaire des modalités de la contrainte (B).
A. Le programme de soins, angle mort du contrôle juridictionnel
Le tribunal dit n’y avoir lieu à statuer sur le maintien de l’hospitalisation complète sans se prononcer sur le programme de soins désormais applicable. Cette abstention est juridiquement fondée. Le contrôle obligatoire prévu par la loi ne concerne que l’hospitalisation complète. Le programme de soins échappe à cette saisine systématique.
Cette différence de régime soulève des questions substantielles. Le patient soumis à un programme de soins demeure sous contrainte administrative. Il peut être réhospitalisé sans nouvelle procédure judiciaire si son état l’exige ou s’il ne respecte pas le programme. Le passage d’un régime à l’autre peut ainsi réduire les garanties procédurales dont bénéficie l’intéressé.
L’ordonnance commentée illustre ce paradoxe. Le patient hospitalisé sous contrainte voyait sa situation soumise au contrôle du juge. La transformation en programme de soins, intervenue la veille de l’audience, le soustrait à cet examen. Le tribunal ne peut que prendre acte de cette évolution sans exercer de contrôle sur la nouvelle mesure.
B. La persistance de la contrainte hors du regard du juge
Le non-lieu à statuer ne signifie pas la fin de toute atteinte à la liberté du patient. Le programme de soins constitue une forme atténuée de contrainte mais une contrainte néanmoins. L’intéressé doit se conformer aux prescriptions médicales définies par le protocole. Le manquement à ces obligations peut entraîner sa réhospitalisation.
Le dispositif légal prévoit que le patient sous programme de soins peut saisir le juge des libertés pour contester cette mesure. Cette faculté diffère toutefois du contrôle obligatoire applicable à l’hospitalisation complète. L’initiative revient au patient ou à ses proches, non à l’autorité administrative. Le contrôle n’est plus systématique mais conditionné à une démarche active.
La décision du tribunal judiciaire de Pontoise s’inscrit dans cette architecture. Le juge constate l’évolution de la situation et tire les conséquences procédurales de la modification intervenue. Il ne lui appartient pas de pallier les lacunes du contrôle juridictionnel sur les programmes de soins. Cette limite relève du législateur, non du juge. L’ordonnance applique le droit en vigueur sans pouvoir l’étendre au-delà de ce que prévoit le code de la santé publique.