Tribunal judiciaire de Rennes, le 17 juin 2025, n°22/07616

Le divorce par acceptation de la rupture du mariage constitue l’une des voies procédurales permettant aux époux de mettre fin à leur union sans avoir à établir une faute. Le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Rennes le 17 juin 2025 illustre la mise en œuvre de ce fondement dans un contexte où plusieurs questions patrimoniales et familiales devaient être tranchées.

En l’espèce, deux époux s’étaient mariés le 10 juillet 2004 à Plédran, sous le régime de la communauté légale en l’absence de contrat de mariage. De cette union sont nés deux enfants, respectivement en 2005 et en 2007. L’épouse a introduit une demande en divorce. Par ordonnance du 10 janvier 2023, le juge aux affaires familiales a rendu une décision sur les mesures provisoires, à laquelle était annexé un procès-verbal d’acceptation du principe de la rupture du mariage par les deux époux.

L’épouse sollicitait le prononcé du divorce sur le fondement de l’acceptation, l’octroi d’une prestation compensatoire, ainsi que la fixation d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants à la charge de l’époux. Ce dernier ne contestait pas le principe du divorce mais demandait le rejet de la demande de prestation compensatoire ou, subsidiairement, l’autorisation de s’en acquitter sous forme de versements périodiques. Il sollicitait également que le juge se déclare incompétent pour statuer sur les opérations de liquidation du régime matrimonial.

La question posée au tribunal était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si une prestation compensatoire était due et, dans l’affirmative, d’en fixer le montant et les modalités de versement. Il convenait ensuite de statuer sur la compétence du juge aux affaires familiales pour ordonner l’ouverture des opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial.

Le tribunal judiciaire de Rennes prononce le divorce pour acceptation de la rupture du mariage. Il fixe la prestation compensatoire à la somme de neuf mille euros en capital et rejette la demande de l’époux tendant à s’en acquitter par versements périodiques. Il se déclare incompétent pour ordonner l’ouverture des opérations de liquidation et rejette les demandes présentées à ce titre. Il fixe enfin la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants à sept cents euros mensuels.

Cette décision invite à examiner successivement les conditions d’octroi et les modalités de la prestation compensatoire (I), puis les règles de compétence applicables à la liquidation du régime matrimonial (II).

I. La prestation compensatoire : une appréciation encadrée de la disparité

A. Le principe de la prestation compensatoire fondé sur la disparité des situations

L’article 270 du code civil dispose que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Le tribunal, pour accorder une telle prestation, doit constater l’existence d’une disparité au détriment de l’époux créancier.

En l’espèce, le juge a nécessairement procédé à une comparaison des situations patrimoniales et professionnelles des époux. L’article 271 du code civil énumère les critères à prendre en considération, parmi lesquels la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune, ainsi que le patrimoine estimé ou prévisible des époux. Le tribunal a retenu l’existence d’une disparité justifiant l’allocation d’une prestation compensatoire de neuf mille euros.

B. Le rejet du paiement échelonné au profit d’un versement en capital

L’article 274 du code civil pose le principe selon lequel la prestation compensatoire prend la forme d’un capital. L’article 275 prévoit toutefois que lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge peut autoriser le versement sous forme de versements périodiques dans la limite de huit années.

Le tribunal rejette la demande de l’époux tendant à bénéficier d’un échelonnement. Cette décision signifie que le juge a estimé que le débiteur était en mesure de s’acquitter immédiatement du capital. Le montant relativement modeste de neuf mille euros explique vraisemblablement cette appréciation. La jurisprudence de la Cour de cassation rappelle régulièrement que le fractionnement du capital constitue une exception qui doit être justifiée par l’impossibilité pour le débiteur de verser immédiatement la somme due.

II. La compétence en matière de liquidation du régime matrimonial

A. L’incompétence du juge aux affaires familiales pour la liquidation

Le tribunal se déclare incompétent pour ordonner l’ouverture des opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial. Cette solution s’inscrit dans le cadre des règles de compétence issues de la réforme du divorce.

L’article 267 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, dispose que le juge statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux. Toutefois, l’article 267-1 précise que si les opérations de liquidation et de partage ne sont pas achevées dans le délai d’un an après que le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, le notaire transmet au tribunal un procès-verbal de difficultés. L’article 1364 du code de procédure civile organise la compétence du juge aux affaires familiales pour les difficultés survenant au cours des opérations de liquidation.

En l’espèce, le tribunal rappelle que les demandes de désignation d’un notaire et d’un juge commis peuvent être présentées au juge statuant sur la liquidation lorsque la complexité des opérations le justifie. Il en résulte que le juge du divorce ne peut anticiper sur les opérations de liquidation en l’absence de difficulté avérée.

B. L’articulation entre prononcé du divorce et liquidation du régime matrimonial

Le report de la date des effets du divorce en ce qui concerne les biens au 9 mai 2022 constitue une application de l’article 262-1 du code civil. Cette disposition permet au juge de fixer les effets patrimoniaux du divorce à la date de la cessation de la cohabitation et de la collaboration.

Le tribunal constate que les époux ont formé leurs propositions de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux conformément à l’article 257-2 du code civil. Cette exigence procédurale vise à favoriser les accords entre époux sur les conséquences patrimoniales du divorce. La satisfaction de cette obligation ne dispense toutefois pas de recourir à la procédure de liquidation devant le notaire puis, le cas échéant, devant le juge aux affaires familiales en cas de difficulté.

Cette décision illustre la distinction désormais nettement établie entre le contentieux du divorce stricto sensu, relevant du juge aux affaires familiales, et le contentieux de la liquidation du régime matrimonial, qui suppose l’intervention préalable d’un notaire et ne revient au juge qu’en cas de difficulté. Le législateur a ainsi voulu désengorger le contentieux familial tout en préservant les droits des parties à faire trancher leurs différends patrimoniaux devant le juge compétent.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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