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Le contentieux des impayés locatifs dans le parc social illustre les tensions entre le droit au logement et la protection des intérêts patrimoniaux des bailleurs. L’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon le 17 juin 2025 s’inscrit dans cette problématique récurrente.
Un bailleur social avait consenti un bail d’habitation le 4 octobre 2022 portant sur un appartement situé à Toulon. Le contrat comportait une clause résolutoire sanctionnant le défaut de paiement des loyers. Face à l’accumulation d’arriérés locatifs, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 31 décembre 2024. Ce commandement a été signifié le 2 janvier 2025 à la commission spécialisée de coordination des actions de prévention des expulsions locatives du Var. La locataire n’ayant pas régularisé sa situation dans le délai de deux mois, le bailleur l’a assignée en référé le 7 mars 2025.
Le bailleur sollicitait le constat de l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion de la locataire, sa condamnation au paiement d’une somme provisionnelle de 2 207,26 euros au titre des loyers impayés, ainsi qu’une indemnité d’occupation mensuelle et une somme au titre des frais irrépétibles.
La locataire, citée à étude de commissaire de justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, n’a pas comparu et n’était pas représentée.
La question posée au juge des référés était de déterminer si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies et si l’expulsion pouvait être ordonnée en l’absence de toute comparution de la défenderesse.
Le juge des référés constate l’acquisition de la clause résolutoire, ordonne l’expulsion de la locataire et la condamne au paiement des sommes réclamées.
Cette décision met en lumière le mécanisme de la clause résolutoire comme instrument d’exécution forcée du bail (I), tout en soulevant la question de la protection du locataire défaillant et non comparant (II).
I. La clause résolutoire, instrument efficace de résiliation du bail
Le juge des référés procède à un contrôle rigoureux du formalisme légal (A) avant de constater l’acquisition automatique de la clause résolutoire (B).
A. Le contrôle du respect des formalités préalables
Le juge des référés vérifie minutieusement le respect des exigences procédurales imposées par la loi du 6 juillet 1989. L’ordonnance relève que « la procédure diligentée est régulière pour avoir respecté toutes les exigences de la loi notamment quant à la forme du commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire ».
Le commandement de payer constitue la première étape obligatoire avant toute action en résiliation fondée sur la clause résolutoire. La loi impose qu’il soit délivré par acte de commissaire de justice et qu’il vise expressément la clause résolutoire. En l’espèce, le commandement du 31 décembre 2024 satisfaisait à ces exigences formelles.
La signification à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives participe du dispositif de prévention instauré par la loi ALUR du 24 mars 2014. Cette notification permet aux services sociaux d’intervenir en amont pour tenter de trouver des solutions de relogement ou d’accompagnement. Le juge constate que cette formalité a été accomplie le 2 janvier 2025.
La notification de l’assignation au représentant de l’État dans le département constitue une exigence supplémentaire prévue à l’article 24 de la loi de 1989. L’ordonnance précise que cette notification est intervenue « le 11 mars 2025, soit six semaines au moins avant l’audience pour permettre de saisir les organismes sociaux et les services compétents ». Ce délai minimal de six semaines vise à donner aux pouvoirs publics le temps nécessaire pour mobiliser les dispositifs d’aide et de relogement.
B. L’acquisition mécanique de la clause résolutoire
Une fois le formalisme respecté, le juge des référés n’a qu’un pouvoir de constatation. L’ordonnance relève que « malgré le rappel de façon claire et légale de la clause résolutoire prévue au bail en son article VI faisant la loi des parties », la locataire « n’a pas apuré l’intégralité de la dette dans les délais impartis ».
La clause résolutoire trouve son fondement dans l’article 1225 du code civil qui permet aux parties de convenir que le contrat sera résolu de plein droit en cas d’inexécution. Dans le domaine du bail d’habitation, l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 encadre strictement ce mécanisme en imposant un délai de deux mois entre le commandement et l’acquisition de la clause.
Le juge constate que la locataire n’a pas davantage « sollicité de délai par les voies légales ou lors de l’audience à laquelle elle ne s’est pas présentée ». Cette précision est importante car l’article 24 III bis de la loi de 1989 permet au juge de suspendre les effets de la clause résolutoire et d’accorder des délais de paiement au locataire qui en fait la demande et dont la situation le justifie.
L’absence de toute démarche de la locataire conduit le juge à « constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail ». Le verbe constater traduit bien le caractère automatique du mécanisme. Le juge ne prononce pas la résiliation, il se borne à en prendre acte dès lors que les conditions légales sont réunies.
II. Les conséquences de la résiliation sur la situation du locataire
La résiliation du bail emporte des conséquences patrimoniales immédiates (A) et ouvre la voie à l’exécution forcée de l’obligation de quitter les lieux (B).
A. La condamnation provisionnelle au paiement des arriérés
Le juge des référés dispose en matière locative d’une compétence pour allouer des provisions au créancier dont la créance n’est pas sérieusement contestable. L’ordonnance relève qu’« il résulte des pièces versées et notamment de l’extrait de situation de compte en date du 05 mai 2025, que le retard pris par la défenderesse dans le paiement des loyers, charges et indemnités d’occupation s’élève à la somme de 2 207,26 euros ».
La condamnation au paiement de cette somme est qualifiée de provisionnelle. Cette qualification découle de la nature même de la procédure de référé qui ne tranche pas le fond du litige. L’article 835 du code de procédure civile permet au juge des référés d’accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. En l’absence de comparution de la locataire, aucune contestation n’a été élevée.
Les intérêts au taux légal courent à compter de la signification de l’ordonnance « en application de l’article 1231-7 du code civil ». Cette disposition prévoit que les dommages et intérêts pour retard dans l’exécution d’une obligation de paiement consistent dans l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.
L’ordonnance fixe également une indemnité d’occupation mensuelle de 574,73 euros, correspondant au montant du dernier loyer charges comprises. Le juge précise qu’il s’agit d’une « créance indemnitaire et non contractuelle », ce qui justifie l’absence d’indexation. Cette indemnité est due « dès mai 2025 et jusqu’à libération complète des lieux par la remise des clés ». Elle compense l’occupation sans titre du logement postérieurement à la résiliation du bail.
B. L’expulsion et ses modalités d’exécution
L’ordonnance « ordonne l’expulsion » de la locataire « ainsi que celle de tous occupants de son chef et au besoin avec l’assistance de la force publique ». Cette formulation standard permet au bailleur de faire procéder à l’expulsion de toute personne présente dans les lieux, qu’il s’agisse du locataire ou de tiers hébergés par celui-ci.
Le juge renvoie au code des procédures civiles d’exécution pour le régime applicable aux meubles se trouvant dans les lieux. Les articles L433-1 à L433-3 de ce code prévoient que les meubles peuvent être laissés sur place, remis à la personne expulsée ou déposés en un lieu approprié. Ces dispositions visent à concilier l’efficacité de l’expulsion avec le respect des biens du locataire.
La décision est rendue « par ordonnance réputée contradictoire » en raison de la non-comparution de la défenderesse régulièrement citée. Elle est exécutoire de plein droit conformément à l’article 514 du code de procédure civile.
L’exécution effective de l’expulsion reste soumise aux contraintes de la trêve hivernale prévue par l’article L412-6 du code des procédures civiles d’exécution. Cette trêve, qui court du 1er novembre au 31 mars, interdit toute mesure d’expulsion effective, sauf exception. La date de l’ordonnance, rendue en juin 2025, permet théoriquement une exécution immédiate avant la prochaine période de trêve.
Cette ordonnance illustre le fonctionnement ordinaire du contentieux des impayés locatifs. Elle témoigne de l’efficacité du mécanisme de la clause résolutoire pour le bailleur tout en révélant les limites de la protection du locataire qui ne se manifeste pas devant le juge.