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Par une ordonnance rendue le 13 juin 2025, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse s’est prononcé sur la recevabilité d’une action engagée par un ancien conseiller en investissement financier contre plusieurs sociétés d’un même groupe. Cette décision offre un éclairage utile sur l’appréciation de la qualité à agir en défense dans le contexte d’un ensemble contractuel.
Un particulier avait conclu entre 2018 et 2022 plusieurs conventions avec différentes entités appartenant au groupe Omnium Finance : une convention cadre d’adhésion au réseau, un mandat d’intermédiaire en immobilier, un contrat d’intermédiaire en assurance, une convention de distribution, un mandat d’intermédiaire en opération de banque et un mandat de facturation. Par courrier unique du 16 novembre 2022, l’ensemble de ces conventions fut résilié de manière immédiate pour manquement aux obligations contractuelles. Le demandeur assigna alors cinq sociétés du groupe devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d’indemnisation. Une médiation ordonnée le 5 mars 2024 échoua.
Quatre des sociétés défenderesses soulevèrent un incident devant le juge de la mise en état, soutenant que seule la société ayant conclu le mandat d’intermédiaire en assurance avait qualité pour défendre à l’action. Elles arguaient que la résiliation de ce mandat emportait ipso facto celle de l’ensemble contractuel, sans qu’aucune décision autonome des autres entités ne fût intervenue. Le demandeur répliqua que l’existence d’un lien contractuel avec chacune des sociétés fondait sa qualité pour agir contre elles, sans confusion possible entre recevabilité et bien-fondé de l’action.
La question posée au juge de la mise en état était de déterminer si les sociétés n’ayant pas directement conclu le contrat dont la résiliation serait à l’origine du dommage allégué disposaient néanmoins de la qualité à agir en défense.
Le magistrat rejeta la fin de non-recevoir. Il releva que le courrier de résiliation émanait conjointement de l’ensemble des entités du groupe et mettait en exergue l’obligation de loyauté du demandeur « à l’égard du groupe […] et de ses filiales ». Il en déduisit que « la société STELLIUM COURTAGE n’est pas la seule à l’initiative de la rupture des différentes conventions » et que « les différentes structures ont donc qualité à agir en défense ».
L’ordonnance commentée présente un double intérêt. Elle précise d’abord les critères permettant d’établir la qualité à agir en défense au sein d’un groupe de sociétés (I). Elle illustre ensuite les conséquences procédurales attachées à l’échec d’une fin de non-recevoir soulevée à mauvais escient (II).
I. La qualité à agir en défense au sein d’un ensemble contractuel de groupe
L’appréciation de la qualité à agir en défense suppose d’identifier les personnes juridiquement concernées par le litige. Le juge de la mise en état a retenu une conception pragmatique fondée sur la participation effective à la décision contestée (A), tout en rappelant la distinction fondamentale entre recevabilité et fond de l’action (B).
A. L’implication collective dans la rupture contractuelle comme fondement de la qualité
L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité ». Les sociétés défenderesses tentaient de circonscrire le litige à la seule entité signataire du mandat d’intermédiaire en assurance.
Le juge de la mise en état écarta cette analyse en s’appuyant sur les éléments factuels du dossier. Il releva que le courrier de suspension mentionnait un manquement « envers les sociétés PRODEMIAL et STELLIUM » et que la lettre de résiliation était adressée « pour les sociétés PRODEMIAL, STELLIUM IMMOBILIER, STELLIUM COURTAGE et STELLIUM INVEST ». Cette rédaction collective établissait selon lui que toutes les entités avaient pris part à la décision de rupture.
La solution retenue s’inscrit dans une logique de réalité économique. Lorsqu’un groupe de sociétés agit de concert pour résilier un ensemble de conventions liées, chaque entité partie à l’une de ces conventions peut légitimement être attraite en défense. Le critère déterminant n’est pas la signature formelle de chaque acte mais la participation à la décision ayant causé le préjudice allégué.
B. L’autonomie de la recevabilité par rapport au fond
Le juge de la mise en état prit soin de distinguer deux questions souvent confondues. La recevabilité de l’action s’apprécie indépendamment de son bien-fondé. L’existence d’un lien contractuel entre le demandeur et chacune des sociétés suffisait à établir un intérêt et une qualité pour agir contre elles.
Le magistrat souligna au surplus que le demandeur avait « formulé des demandes indemnitaires au fond contre ces différentes sociétés » et que celles-ci avaient elles-mêmes « formulé chacune une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ». Cette circonstance confirmait leur implication directe dans le litige et rendait paradoxale leur contestation de qualité.
L’ordonnance rappelle ainsi que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité ne saurait prospérer lorsque le défendeur a lui-même reconnu sa qualité de partie au litige en formulant des demandes reconventionnelles. Cette position correspond à une application cohérente du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui.
II. Les conséquences de l’échec d’une fin de non-recevoir infondée
Le rejet de la fin de non-recevoir emporte des conséquences tant sur le plan des frais de procédure (A) que sur la portée de la décision pour la suite de l’instance (B).
A. La sanction pécuniaire de l’incident mal fondé
Le juge de la mise en état condamna les quatre sociétés ayant soulevé l’incident à supporter in solidum les dépens et à verser au demandeur la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ces sociétés sollicitaient pourtant chacune 5.000 euros sur le même fondement, soit un total de 20.000 euros.
La disproportion entre les prétentions des défenderesses et la condamnation prononcée à leur encontre illustre le risque inhérent à une stratégie procédurale hasardeuse. L’incident de mise en état représente un coût pour toutes les parties. Celui qui le soulève sans fondement suffisant s’expose non seulement à le perdre mais également à en supporter les conséquences financières.
Le choix de la condamnation in solidum traduit par ailleurs l’unité d’action des sociétés du groupe dans la conduite de l’incident. Le juge ne distingua pas entre elles pour la répartition des frais, confirmant ainsi la logique collective qui avait présidé tant à la rupture des contrats qu’à la contestation de la recevabilité.
B. La portée de l’ordonnance pour la suite du litige
L’ordonnance du juge de la mise en état statue sur un incident et non sur le fond du litige. Elle ne préjuge en rien de l’issue de l’action au principal. Les sociétés pourront toujours contester leur responsabilité dans la rupture des conventions ou le quantum des préjudices allégués.
Toutefois, la motivation retenue par le magistrat oriente nécessairement les débats ultérieurs. En affirmant que l’ensemble des structures étaient « à l’initiative de la rupture », le juge de la mise en état a posé un élément factuel qui pourra être repris lors de l’examen au fond. Les défenderesses ne pourront plus utilement soutenir qu’elles étaient étrangères à la décision de résiliation.
L’affaire fut renvoyée à l’audience de mise en état du 30 septembre 2025 pour conclusions du demandeur. Ce dernier dispose désormais d’une base procédurale consolidée pour développer son argumentation sur le caractère fautif de la rupture et sur l’étendue de ses préjudices. La tentative de médiation ayant échoué, l’instance se poursuit dans un contexte où les rapports entre les parties apparaissent durablement dégradés.