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Cour d’appel de Paris, 8 juillet 2025. La juridiction tranche un litige disciplinaire relatif à une mise à pied d’une journée prononcée pour départ anticipé et retard répété. L’affaire oppose un salarié d’une entreprise d’assistance aéroportuaire à son employeur, sur le terrain de la preuve des faits fautifs et de la proportionnalité de la sanction.
Le salarié, initialement embauché en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée après transfert d’activité, occupait un poste opérationnel soumis à des contraintes horaires strictes. Il a quitté son poste quarante-cinq minutes avant la fin de sa vacation un soir, puis s’est présenté en retard le lendemain matin.
Saisi en premier, le conseil de prud’hommes a rejeté l’ensemble des demandes indemnitaires. En appel, le salarié soutient l’absence de preuve, allègue une mesure de représailles, et sollicite la réparation d’un préjudice. L’employeur demande confirmation, produit un courriel hiérarchique, des plannings, des bulletins, et rappelle un avertissement antérieur non contesté.
La Cour confirme le jugement. Elle retient l’existence de pièces probantes, l’inapplicabilité du « doute » faute d’éléments contraires, et juge la mise à pied proportionnée au regard des manquements établis.
I. Le contrôle du bien-fondé de la sanction disciplinaire
A. Le cadre légal et le standard probatoire
La Cour mobilise la définition légale de la sanction disciplinaire, dont le périmètre est large et fonctionnel. Elle rappelle, en des termes clairs: « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »
Le contrôle probatoire est également explicitement fondé sur la règle d’office du juge prud’homal. Le texte applicable énonce: « en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. » La garantie protectrice demeure constante: « Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Le cadre légal ordonne ainsi une double exigence, de clarté des éléments fournis par l’employeur et de conviction juridictionnelle librement formée.
B. L’appréciation des preuves dans l’espèce
La base normative interne apparaît claire et accessible. Le règlement intérieur, régulièrement opposable, précise que « toute absence ou sortie anticipée non justifiée ou non autorisée constitue une faute pouvant être sanctionnée ». À cette norme s’ajoutent des plannings et des mentions salariales corroborant des retards, ainsi qu’un avertissement antérieur demeuré incontesté.
L’élément matériel du départ anticipé est rapporté par un courriel hiérarchique circonstancié, relayant une impossibilité de localiser l’agent avant la fin de la vacation. Les retards apparaissent sur les plannings et sur les bulletins, ce qui confère une valeur probante cumulative aux pièces versées, sans contradiction sérieuse opposée par le salarié.
Le cœur du raisonnement est fermement formulé par la juridiction d’appel: « aucun élément ne permet de remettre en cause la valeur probante des pièces produites par l’employeur, que les faits reprochés sont établis et que la sanction prononcée est proportionnée ». L’argument tiré de prétendues représailles est écarté, faute d’indices précis et concordants, tandis qu’une sanction parallèle d’un collègue pour le même épisode écarte l’idée d’un traitement isolé et répressif.
II. La proportionnalité de la mise à pied et sa portée
A. Critères retenus et équilibre des intérêts
L’appréciation de la proportionnalité procède du contexte fonctionnel et de la répétition temporelle des manquements. Les fonctions d’assistance aéroportuaire imposent ponctualité et disponibilité. La double occurrence, départ anticipé significatif puis retard, objectivise un manquement à l’obligation d’assiduité.
La mesure est quantitative et qualitative. Elle consiste en une journée de mise à pied, de portée limitée mais dissuasive. La lettre disciplinaire met d’ailleurs en évidence le choix d’une mesure inférieure à la rupture, en indiquant: « Par acte de clémence, nous ne poursuivons pas la procédure pouvant aller jusqu’au licenciement. » Le contrôle juridictionnel ne se substitue pas au pouvoir disciplinaire; il vérifie la justesse du rapport entre gravité du manquement et atteinte à la rémunération.
B. Enseignements et portée pour le droit disciplinaire
L’arrêt consacre une méthode probatoire pragmatique. Des pièces internes, contemporaines et concordantes, suffisent à emporter la conviction du juge, sauf éléments contraires aptes à faire naître un doute sérieux au bénéfice du salarié.
La solution illustre la conciliation entre exigence d’assiduité et protection du justiciable. La formule de sauvegarde demeure centrale: « Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Encore faut-il que ce doute existe, ce qui requiert une contestation étayée et documentée.
La portée de la décision est mesurée. Elle confirme une grille d’analyse constante: identification d’une norme interne claire, vérification d’indices factuels convergents, et contrôle de proportionnalité adapté à la fonction et aux antécédents disciplinaires. Elle invite, en pratique, à documenter rigoureusement les absences et retards, et à calibrer la réponse disciplinaire à la gravité des manquements établis.
Cour d’appel de Paris, 19 juin 2025. Un coursier à vélo, lié par un contrat de prestation à une plateforme de livraison, sollicitait la requalification en contrat de travail et l’indemnisation corrélative. Le litige portait sur l’existence d’un lien de subordination, le régime du temps de travail et les effets de la rupture, incluant le travail dissimulé.
Les faits tiennent à une activité de livraison exécutée sur créneaux choisis via une application, avec directives opérationnelles et suivi par l’outil. La relation a cessé à l’été 2018. Saisi, le conseil de prud’hommes de Paris, le 1er avril 2022, a retenu l’existence d’un contrat à durée indéterminée, constaté un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et alloué diverses sommes. L’appelante contestait la compétence prud’homale et l’existence du lien de subordination, subsidiairement le quantum. L’intimé soutenait la subordination, réclamait un salaire de référence plus élevé, des rappels d’heures supplémentaires, de repos compensateurs, et l’indemnité de travail dissimulé.
La question de droit portait sur la qualification de la relation, au regard des indices de direction, de contrôle et de sanction, puis sur la détermination des bases de calcul des rappels de salaires et des indemnités. La cour confirme la requalification, fixe plusieurs rappels sur le minimum conventionnel, reconnaît le dépassement du contingent d’heures, retient le travail dissimulé et indemnise la rupture. Elle s’appuie sur la règle selon laquelle « Il en résulte que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles auraient donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité de celui qui se prétend salarié. »
I. La reconnaissance du lien de subordination
A. Les indices d’intégration et de direction du travail
La cour rappelle la présomption simple d’indépendance lorsque l’intéressé est immatriculé, mais exige la démonstration des conditions de fait. Elle vérifie successivement l’existence d’instructions précises, l’organisation unilatérale du service et la stabilité des modalités d’exécution. Le raisonnement s’inscrit dans la lignée de Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, sur les indices combinés de géolocalisation, obligations procédurales et encadrement opérationnel.
Les pièces versées attestent d’un corpus de consignes détaillées quant à la présentation, la récupération et la livraison, ainsi que l’anticipation de connexion, la réponse téléphonique et le suivi des itinéraires. La cour retient un service organisé, la plateforme déterminant les conditions d’exécution et la présence d’un encadrement intermédiaire animé par des responsables dédiés. Ainsi, « C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a requalifié la relation contractuelle en contrat de travail ».
Le critère pédagogique demeure celui d’une subordination manifestée par des ordres, un contrôle et la possibilité de sanction. La direction effective du travail, appuyée par des plannings et un suivi opérationnel, suffit à faire prévaloir la qualification salariale. L’évocation d’un courriel de résiliation mentionnant un « contrat de travail » corrobore, sans la fonder, la requalification opérée.
B. Le pouvoir de contrôle et de sanction caractérisé
La matérialité du contrôle est soutenue par les échanges et la surveillance opérationnelle permise par l’outil, à laquelle s’ajoutent des conséquences disciplinaires graduées. La cour cite un document interne prévoyant qu’« A partir de 4 dérapages : désactivation du compte et désinscription des shifts réservés. » Le système de « dérapages » comporte des effets punitifs intermédiaires, telle « Les conséquences sont les suivantes : perte de bonus ».
Cette gradation révèle un pouvoir de sanction, complétant la direction et le contrôle, et réalise le faisceau d’indices de la subordination. La motivation rejoint la méthode antérieurement approuvée par la jurisprudence sociale, qui prend en compte la combinaison d’indices plutôt que la seule présence d’un élément isolé. L’existence d’un uniforme imposé et d’objectifs animés par des responsables d’équipe renforce l’idée d’une organisation hiérarchisée.
Reste alors à tirer les conséquences salariales et indemnitaires de la requalification, sur le terrain du temps de travail, des repos, du licenciement et du travail dissimulé.
II. Les effets de la requalification sur la rémunération et la rupture
A. Rémunération, temps de travail et repos compensateurs
La cour retient le paiement mensuel indépendant de la répartition calendaire et rappelle la rigueur du régime du temps partiel. À défaut d’écrit mentionnant la répartition des horaires, la présomption de temps complet s’applique, l’employeur devant renverser la présomption en démontrant l’absence de mise à disposition permanente. Cette solution, classique, s’articule avec l’exigence probatoire des heures supplémentaires.
Sur la preuve des horaires, le salarié doit fournir des éléments suffisamment circonstanciés. La cour reprend la formule selon laquelle « Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies ». Constatant l’absence de contestation utile, elle juge que « Il convient de tenir pour avérés les horaires de travail allégués. » La solution s’aligne sur la directive 2003/88 et la jurisprudence européenne, la cour rappelant qu’il résulte des textes de l’Union que « qu’il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur » (v. CJUE, 14 mai 2019, C‑55/18).
Pour autant, la base de calcul des rappels ne transpose pas mécaniquement la rémunération de prestataire. La cour juge, avec constance, qu’« Il convient donc de retenir un salaire horaire brut équivalent au minimum conventionnel applicable à la date des heures supplémentaires sollicitées, soit la somme mensuelle de 1 510 euros brute. » Elle accorde les majorations afférentes et les congés payés y attachés. S’agissant du contingent, la convention collective de branche « fixe ce contingent à 130 heures », justifiant l’octroi d’une contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents.
Enfin, la demande de rappel à hauteur du minimum conventionnel est admise pour les mois inférieurs au plancher mensuel, traduisant l’effet utile du paiement mensuel et de la requalification. La cohérence d’ensemble repose sur la dissociation entre base conventionnelle minimale et rémunération antérieure comme prestataire, chacune mobilisée selon la nature du droit invoqué.
B. Rupture du contrat, travail dissimulé et réparation
La requalification emporte substitution rétroactive du statut salarié. La cour réaffirme que « La requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, qui confère au prestataire le statut de salarié, a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail. » La rupture, dépourvue de lettre conforme, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à l’indemnité de préavis, aux congés afférents et à des dommages-intérêts dans le cadre du barème applicable.
La cour opère une distinction mesurée des assiettes. Elle retient le minimum conventionnel pour certains rappels salariaux, mais fonde l’indemnité légale de licenciement et l’évaluation du préjudice sur la rémunération moyenne réellement perçue, au motif que les sommes versées comme prestataire « lui restent acquises ». Cette solution ménage à la fois le plancher conventionnel et la réalité économique des gains antérieurs, limitant les effets de double compte. Elle fixe l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse après appréciation concrète de la situation, et précise sobrement qu’« Il convient d’évaluer son préjudice à 4 000 euros ».
Sur le travail dissimulé, la cour ressort les textes répressifs et constate l’élément intentionnel au regard du montage contractuel et de la direction effective du travail. Elle affirme nettement que « Le caractère intentionnel d’un travail dissimulé est donc établi », allouant l’indemnité forfaitaire de six mois sur la base de référence retenue. La solution s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle exigeant la preuve d’une volonté d’éluder les obligations d’employeur, appréciée à partir des conditions concrètes d’exercice.
L’ensemble est complété par les intérêts, la capitalisation, la remise des documents de fin de contrat et les frais irrépétibles. La cohérence de l’arrêt tient à une articulation stricte des règles probatoires, des normes européennes sur la mesure du temps, et des droits salariaux consécutifs à la requalification, appliquées avec un contrôle étroit des indices de subordination.
La Cour d’appel de Nouméa, le 8 septembre 2025, statue sur une demande de mesure d’instruction préalable fondée sur l’article 145 du code de procédure civile. Le contexte tient à la cession de parts intervenue en 2009 au profit d’acquéreurs, après laquelle un dirigeant soutient l’existence de prélèvements irréguliers et sollicite une expertise judiciaire. Un rapport comptable non judiciaire de 2023 fait état de mouvements importants au détriment de deux sociétés concernées par l’opération.
La procédure a été engagée en référé fin 2023 aux fins d’expertise, et le premier juge l’a ordonnée. Les appelants ont critiqué la décision en contestant l’existence d’un motif légitime, en se prévalant notamment d’une prescription quinquennale tirée de l’article 2224 du code civil. La cour confirme l’intérêt à agir du demandeur en qualité de gérant, mais infirme l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné l’expertise.
La question de droit posée est celle de l’articulation entre le « motif légitime » exigé par l’article 145 et un obstacle tiré de la prescription de l’action au fond. Plus précisément, il s’agissait de savoir si une expertise peut être ordonnée lorsque la prétention future apparaît manifestement vouée à l’échec du fait du délai de prescription. La cour refuse l’expertise, jugeant l’action prescrite et, partant, l’absence d’intérêt légitime à conserver ou établir la preuve avant tout procès.
I. Les conditions du « motif légitime » au sens de l’article 145
A. Exigences de plausibilité et détermination du litige futur
La cour rappelle d’abord le texte applicable tel que cité dans l’arrêt: « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Ce rappel replace le contrôle du juge des référés dans un office probatoire autonome, distinct du jugement au fond, mais encadré par des critères de plausibilité.
Le raisonnement précise ensuite la densité du contrôle: « Toutefois, la légitimité du motif du demandeur résulte de la démonstration du caractère plausible et crédible du litige, bien qu’éventuel et futur, et le juge doit impérativement constater qu’un tel procès est possible et qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés ». La juridiction exige donc un contentieux futur identifiable, doté d’un objet et d’un fondement définis, ce qui exclut la mesure exploratoire sans ancrage juridique. La cohérence de cette exigence tient au rôle de l’article 145, instrument de conservation et non d’investigation générale.
B. Contrôle de l’échec manifeste malgré les contestations sérieuses
La cour admet, conformément à une lecture classique, que « l’existence d’une contestation sérieuse ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre des dispositions susvisées des dispositions de l’article 145 du Code de Procédure Civile ». L’article 145 supporte le doute, puisqu’il vise à éclairer un litige à venir sans préjuger sa solution. Cette affirmation neutralise l’argument consistant à disqualifier la mesure en raison de débats sur le fond.
Cependant, ce principe comporte une limite nette, que la décision formule ainsi: « Par voie de conséquence, le juge ne peut que rejeter une demande d’expertise destinée à soutenir une prétention dont le mal fondé est d’ores et déjà évident et est manifestement vouée à l’échec ». L’expertise ne doit pas servir à réanimer une action irrémédiablement compromise, faute de quoi le juge des référés excéderait son office probatoire pour prolonger artificiellement un contentieux sans avenir. La condition du motif légitime se mue ici en filtre contre les « demandes de preuve sans procès ».
II. La prescription quinquennale comme limite à l’expertise
A. Point de départ, connaissance imputée et présomption de connaissance
La cour rattache le refus au terrain de la prescription, en mobilisant l’article 2224 du code civil, ainsi cité: « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Elle en déduit que le dirigeant, en fonction depuis la cession, « ne pouvait ignorer la situation comptable et financière » au regard des éléments antérieurs à la prise de fonctions, ceux-ci ayant attiré l’attention sur l’incertitude des comptes. L’argument réside dans l’imputabilité d’une connaissance effective ou, à tout le moins, potentielle.
Cette approche transforme l’analyse du motif légitime en vérification incidente de la temporalité des droits. Si le point de départ est fixé à la date où la connaissance devait être acquise, toute mesure d’instruction devient inutile si l’action est close par le délai. En conséquence, l’expertise ne saurait contourner la forclusion du droit d’agir, puisqu’elle présuppose un litige possible et juridiquement ouvert.
B. Portée, équilibre probatoire et critique mesurée de la solution
La solution débouche logiquement sur l’infirmation de l’expertise, la cour énonçant que « La décision de première instance doit donc être réformée sur ce point ». L’arrêt met en cohérence l’exigence d’un procès « possible » et l’extinction de l’action par prescription, ce qui fait disparaître le motif légitime. La chaîne argumentative demeure ordonnée: condition de recevabilité probatoire, examen de la temporalité, refus pour impossibilité juridique du litige.
Cette position présente une valeur pratique forte. Elle prévient les mesures probatoires de pure opportunité, économise les coûts de procédure, et incite à la vigilance sur les délais. Elle n’est pas exempte de risques. L’imputation d’une connaissance « qui aurait dû » exister, avant mesure d’instruction, peut rigidifier le point de départ et priver le demandeur d’éléments utiles pour établir la découverte tardive des faits. Le juge des référés, contraint à une appréciation sommaire, doit doser l’évidence de l’échec au fond sans trancher le fond lui-même.
L’arrêt demeure toutefois attentif à la distinction entre intérêt à agir et motif légitime. Il confirme l’intérêt du gérant à agir, conformément à l’article 31 du code de procédure civile, puis écarte la mesure à raison de la prescription. Ce double mouvement respecte l’économie des textes: l’ouverture de l’action n’emporte pas, par elle seule, la légitimité d’une mesure d’instruction précontentieuse. Le filtre de l’article 145 continue d’exiger un litige à venir crédible, juridiquement possible, et temporellement ouvert.
Au total, la Cour d’appel de Nouméa pose un critère opératoire et exigeant. L’article 145 n’est pas un remède aux défaillances temporelles de l’action. Il demeure un instrument probatoire finalisé, subordonné à l’existence d’un procès possible et à l’absence d’échec juridique évident. Cette lecture, sévère mais cohérente, consolide l’articulation entre preuve et délai, et confère au juge des référés un rôle de gardien des conditions d’utilité de la mesure.
La Cour d’appel de Rouen, le 12 septembre 2025, est saisie d’un litige relatif à la prise en charge d’une maladie hors tableau après avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La décision commentée interroge la discipline des délais d’instruction, la sanction d’éventuelles irrégularités et la portée des garanties procédurales offertes à l’employeur.
Un salarié a déclaré une décompensation dépressive majeure. La caisse a pris en charge la pathologie au titre des maladies professionnelles après saisine du comité régional compétent. L’employeur a contesté la décision devant la voie amiable puis juridictionnelle. Le tribunal judiciaire a prononcé l’inopposabilité, retenant un non-respect de la phase d’enrichissement. La caisse a relevé appel.
Devant la juridiction du second degré, la caisse soutenait que seule l’atteinte à la phase de consultation du dossier complet peut entraîner inopposabilité, le point de départ des délais étant fixé à la saisine du comité régional. L’employeur invoquait l’atteinte à ses droits de la défense, critiquait la réduction du délai d’enrichissement et contestait le défaut d’information utile concernant le taux d’incapacité permanente prévisible.
Deux questions se présentaient alors. La première portait sur la structuration des délais de quarante jours, leur point de départ et la sanction de leur atteinte. La seconde concernait la place du taux d’IPP prévisible dans l’office du juge et l’étendue des prérogatives de l’employeur, ainsi que l’obligation de recueillir un nouvel avis médical avant toute appréciation au fond.
La Cour retient que « l’économie générale de la procédure d’instruction […] impose la fixation de dates d’échéances communes aux parties » et que « le délai de 40 jours […] commence à courir à compter de la date à laquelle le comité régional est saisi ». Elle juge encore que « seule l’inobservation du dernier délai de 10 jours […] est sanctionnée par l’inopposabilité ». Les griefs liés à la réduction de la phase d’enrichissement sont donc écartés. Sur l’IPP, elle affirme que « la caisse n’a aucune autre obligation d’information vis-à-vis de l’employeur concernant la fixation de ce taux d’IPP prévisible » et qu’« il n’existe pour l’employeur aucune voie de recours spécifique » contre son évaluation provisoire. Conformément à l’article R. 142-17-2, la juridiction désigne un second comité avant de statuer sur le caractère professionnel.
I. L’économie des délais d’instruction devant le comité régional
A. Le point de départ unifié et l’exigence d’information
La Cour rappelle la bipartition normative du délai procédural. Elle souligne que « ce dernier délai se décompose en effet en deux phases successives ». La première, de trente jours, permet l’enrichissement contradictoire du dossier. La seconde, de dix jours, ouvre la consultation du dossier complet et l’ultime échange d’observations.
L’arrêt fixe clairement le point de départ des délais au moment de la saisine du comité régional, afin d’assurer une information synchronisée et loyale des intéressés. Il énonce que « l’économie générale de la procédure d’instruction […] impose la fixation de dates d’échéances communes aux parties », puis précise que « le délai de 40 jours […] commence à courir à compter de la date à laquelle le comité régional est saisi ». Cette lecture protège la prévisibilité de la procédure et clarifie l’articulation avec le délai de cent vingt jours de décision.
La charge de la preuve de l’information utile pèse sur la caisse, tient l’arrêt. La solution retient que l’employeur, destinataire potentiel d’un grief, doit être éclairé sur les échéances des deux phases. En l’espèce, l’information relative aux dates butoirs et à la date prévisionnelle de décision était établie. La réduction constatée sur la période d’enrichissement ne remet pas en cause l’exactitude des jalons communiqués.
B. La sanction limitée à l’atteinte de la consultation du dossier complet
La Cour cantonne l’inopposabilité au seul manquement affectant la seconde phase. Elle énonce que « seule l’inobservation du dernier délai de 10 jours […] au cours duquel les parties peuvent accéder au dossier complet et formuler des observations, est sanctionnée par l’inopposabilité ». La logique retenue privilégie la garantie ultime de la contradiction, celle qui porte sur la base documentaire définitive.
Cette solution se justifie par la fonction propre de la dernière séquence. Le débat y porte sur le dossier stabilisé, celui précisément soumis au comité régional. L’essentiel des droits de la défense se cristallise à ce stade. En la limitant ainsi, la sanction évite une paralysie contentieuse fondée sur de simples écarts d’enrichissement, dès lors que la consultation intégrale a été offerte dans le délai incompressible de dix jours.
Le choix opère toutefois une hiérarchisation des garanties. Il confère une valeur décisive à la consultation du dossier complet, au risque de relativiser l’importance pratique de l’enrichissement. L’arrêt s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle de rationalisation des nullités, cohérente avec un objectif d’efficacité, mais qui exige une rigueur accrue des caisses lors de la phase finale.
II. L’office du juge et la place de l’IPP prévisible sous avis du comité régional
A. L’encadrement de l’information et des contestations relatives à l’IPP
La Cour réaffirme la spécificité de la condition d’IPP en matière de maladies hors tableau. Elle rappelle que « la caisse primaire ne peut reconnaître l’origine professionnelle de la maladie qu’après avis motivé d’un comité régional […] dont l’avis s’impose à elle ». Le taux d’IPP prévisible, déterminé par le service du contrôle médical, est une pièce du dossier soumis au comité, non un acte faisant grief immédiat à l’employeur.
Partant, l’arrêt précise que « la caisse n’a aucune autre obligation d’information vis-à-vis de l’employeur concernant la fixation de ce taux d’IPP prévisible ». Il ajoute que le rapport d’évaluation est versé au dossier transmis au comité, « sans pouvoir être communiqué directement à l’employeur ». La confidentialité médicale et la structure médico-légale de l’avis gouvernent la circulation de l’information.
La contestation autonome du taux provisoire est écartée. La Cour affirme qu’« il n’existe pour l’employeur aucune voie de recours spécifique » contre cette évaluation. La contradiction s’opère devant le comité, puis devant le juge par la critique de l’avis et des bases documentaires, non par l’instauration d’un contentieux parallèle sur le quantum prévisible. Cette solution clarifie l’office du juge, centré sur la légalité de la procédure et, le cas échéant, la pertinence de l’avis éclairé.
B. La saisine obligatoire d’un second comité et le sursis à statuer
Lorsque l’employeur conteste le caractère professionnel après un premier avis, la juridiction doit solliciter un nouvel éclairage médical. L’arrêt le dit en termes nets : « lorsque l’employeur conteste le caractère professionnel […] la juridiction doit recueillir au préalable l’avis d’un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi ». L’exigence découle de l’article R. 142-17-2, garantissant un regard indépendant et renouvelé.
La désignation d’un second comité commande un sursis à statuer. La Cour réserve ainsi l’appréciation du fond, dans l’attente du rapport motivé du comité nouvellement saisi. La méthode consacre la primauté de l’expertise médicale dans la qualification d’une pathologie hors tableau, puis le contrôle juridictionnel de cohérence et de suffisance.
La portée de cette exigence est double. Elle renforce la qualité du contradictoire sur les éléments médicaux, notamment en matière d’atteintes psychiques où le contexte de travail demeure débattu. Elle rationalise ensuite le contentieux en reportant l’analyse de la causalité professionnelle après l’avis requis, évitant des décisions prématurées sur un dossier incomplet. L’économie générale ainsi dessinée concilie célérité procédurale et sécurité juridique, sans diluer l’exigence de motivation médicale.
Par un arrêt du 2 juillet 2025, la Cour d’appel de Rennes se prononce dans un contentieux de sécurité sociale relatif à la prise en charge d’une maladie professionnelle. La décision est rendue « Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juillet 2025 par mise à disposition au greffe », au terme d’une audience tenue par un magistrat rapporteur.
Une salariée intérimaire avait déclaré une tendinopathie relevant du tableau n°57, prise en charge par l’organisme de sécurité sociale. L’employeur a contesté l’opposabilité de cette décision devant le pôle social, invoquant le caractère incomplet du dossier et la méconnaissance du contradictoire. Le tribunal judiciaire de Vannes, le 7 novembre 2022, a rejeté ces prétentions et condamné l’employeur aux dépens.
L’employeur a interjeté appel et a finalement déclaré, par écrit, se désister de l’instance. L’organisme a accepté ce désistement avant l’audience, puis l’a confirmé à l’audience publique. La cour retient alors que « Le désistement est parfait ; il y a donc lieu de constater l’extinction de l’instance », et prononce dans son dispositif « DECLARE parfait le désistement d’instance » et « CONSTATE l’extinction de l’instance ». La question posée portait sur les conditions de perfection du désistement d’instance en appel et sur ses effets procéduraux et pécuniaires, que l’arrêt tranche en conformité avec le droit commun de la procédure civile.
I. Le désistement d’instance en appel, conditions de perfection et office du juge
A. Acceptation de l’adversaire et perfection du désistement
Le droit commun de la procédure civile prévoit que le désistement d’instance met fin à l’instance, sous réserve, dans certains cas, de l’acceptation de la partie adverse lorsqu’elle a conclu au fond. En l’espèce, l’employeur a manifesté son désistement avant l’audience et l’organisme l’a expressément accepté, par écrit puis à l’audience. La cour constate alors, reprenant la formule substantielle, que « Le désistement est parfait ; il y a donc lieu de constater l’extinction de l’instance ». Le juge n’exerce aucun pouvoir d’appréciation discrétionnaire une fois l’acceptation obtenue et dûment constatée.
Cette solution s’inscrit dans le cadre classique des articles relatifs au désistement d’instance, distinguant clairement le retrait procédural de toute renonciation au droit d’agir. Le recours à une acceptation formalisée, y compris par échanges dématérialisés, satisfait aux exigences d’un consentement dépourvu d’ambiguïté et sécurise l’office de la juridiction d’appel.
B. Conséquences processuelles de l’extinction de l’instance
La perfection du désistement entraîne l’extinction immédiate de l’instance d’appel, ce que la juridiction énonce dans le dispositif en ces termes précis : « CONSTATE l’extinction de l’instance ». L’arrêt ne statue donc pas sur le fond des moyens dirigés contre la décision de prise en charge, lesquels deviennent sans objet devant la cour.
L’extinction de l’instance d’appel confère, par voie de conséquence, un caractère définitif au jugement de première instance, en l’absence de voie de recours maintenue. Le dispositif, cantonné aux nécessaires constats procéduraux, préserve la lisibilité des effets et n’altère pas la distinction, utile, entre l’instance et le droit substantiel.
II. Le régime des dépens et la portée de la solution en contentieux social
A. Le principe de charge des frais et l’accord contraire
Le code de procédure civile prévoit que le désistement emporte, pour son auteur, la charge des frais de l’instance éteinte, sauf accord différent. La cour rappelle ce principe en relevant que « Le désistement emportant soumission de payer les frais de l’instance éteinte », et met à la charge de l’appelant les dépens d’appel, tout en ménageant la faculté conventionnelle, expressément visée « sauf meilleur accord des parties ». La motivation demeure précise et conforme, en associant la règle et sa modulation par accord.
Cette répartition, classique, sanctionne la termination unilatérale du litige à ce stade procédural et internalise le coût de l’abandon de l’instance. Elle évite, en outre, les débats accessoires sur le bien‑fondé des moyens devenus sans objet, ce qui favorise l’économie de procès et la stabilité des décisions.
B. Portée pratique en matière d’accidents et maladies professionnelles
L’arrêt confirme un schéma éprouvé en contentieux de sécurité sociale : la juridiction d’appel se borne, lorsque les conditions sont remplies, à constater la perfection du désistement et à tirer ses effets procéduraux. La formule « DECLARE parfait le désistement d’instance » offre un cadre clair aux praticiens et prévient toute incertitude sur l’étendue de la décision.
La portée est double. D’une part, la voie de l’appel se clôt sans examen du fond, consolidant la solution de première instance. D’autre part, le rappel de la faculté d’accord sur les dépens incite les acteurs du contentieux social à régler, en amont de l’audience, les conséquences financières de la clôture anticipée. La décision conserve ainsi une valeur pédagogique, en réaffirmant des principes constants et leur utile application aux litiges de prise en charge.
La Cour d’appel de Paris, 27 juin 2025, tranche un contentieux de maladie professionnelle relatif au tableau 57 et à l’opposabilité patronale. Elle statue sur appel d’un jugement du tribunal judiciaire d’Evry, 26 février 2021, qui avait retenu la prescription et l’inopposabilité.
Un salarié, cuisinier, déclare en août 2019 une tendinopathie d’insertion des épicondyliens, appuyée d’un certificat initial du 4 juillet 2019. La caisse prend en charge la pathologie au titre du tableau 57 B; l’employeur conteste l’opposabilité et invoque la prescription.
La commission amiable est saisie, puis le pôle social du tribunal judiciaire d’Evry, qui déclare l’action prescrite et la décision inopposable. La caisse interjette appel; l’employeur soulève la péremption d’instance, réitère la prescription, et subsidiairement demande l’imputation au compte spécial.
Se posent alors quatre questions liées, de procédure et de fond, quant à la péremption, au point de départ de la prescription, à l’exposition, et à la compétence. La juridiction d’appel écarte la péremption, infirme la prescription, retient l’opposabilité de la prise en charge, et décline compétence sur le compte spécial.
I – Clarification des règles procédurales et temporelles
A – Péremption d’instance en procédure orale
Au visa des articles 386 CPC, R.142-11 CSS et 946 CPC, la cour clarifie la direction procédurale en contentieux de sécurité sociale. Elle affirme: « Il résulte de ces textes, interprétés à la lumière de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que dans les litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale, à moins que les parties ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. »
La conséquence est explicite: « En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif. » La solution, conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, préserve l’égalité des armes et la sécurité des délais en procédure orale.
B – Point de départ de la prescription biennale
La décision opère ensuite une mise au point utile sur le délai biennal des articles L.431-2 et L.461-1 du code de la sécurité sociale. Elle rappelle sans ambiguïté: « Ainsi ce n’est la la date de première constatation médicale mais seulement le certificat médical initial pour maladie professionnelle qui fait courir ce délai. »
En fixant l’exigence d’information par certificat, la cour écarte une lecture formaliste fondée sur une mention ancienne, pourtant évoquée au dossier. Elle précise encore le périmètre des textes d’instruction: « C’est donc à tort que le tribunal a pu considérer devoir faire application des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de sécurité sociale, lesquels encadrent seulement la procédure d’instruction diligentée par la caisse, et absolument pas le délai donné aux salariés pour déclarer leur maladie qu’ils souhaitent voir reconnaître comme d’origine professionnelle. » La solution protège l’accès au droit des victimes et sécurise le calcul du délai, sans désorganiser l’instruction administrative.
II – Opposabilité de la prise en charge et organisation du contentieux
A – Appréciation de l’exposition au risque au titre du tableau 57 B
La cour retient la présomption d’imputabilité, après avoir fixé la première constatation à la date retenue par le médecin-conseil, pertinente au regard des pièces. L’analyse des tâches accomplies, décrites dans le questionnaire, établit des gestes fréquents de saisie, de flexion et de rotation du poignet.
La cour souligne d’abord: « S’il est vrai que ce questionnaire n’était pas parfaitement conforme au risque tel que décrit par le tableau cité en référence, il en était très proche. » Elle ajoute ensuite: « Surtout, il est difficile de considérer qu’un traiteur fabriquant à longueur de ses journées de travail des pizzas et des croques n’effectuent pas ces gestes de préhension ou d’extension de la main sur l’avant-bras ou des mouvements de pronosupination de façon habituelle et répétée. » La motivation, concrète, illustre une appréciation pragmatique des conditions d’exposition et conforte l’opposabilité de la prise en charge.
B – Compétence pour l’affectation au compte spécial
S’agissant de la tarification, la cour distingue nettement le contentieux de l’opposabilité et celui du compte spécial, régi par des textes spéciaux. Elle vise la compétence d’appel dédiée: « L’article L. 311-16 du code de l’organisation judiciaire prévoit qu’une cour d’appel spécialement désignée (cour d’appel d’Amiens en application de l’article D. 311-12 du code de l’organisation judiciaire) connaît des litiges mentionnés à L. 142-1 – 7, soit les décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d’accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par le livre IV du présent code, la détermination de la contribution prévue à l’article L. 437-1. »
La conséquence contentieuse est logique: le juge du fond de l’opposabilité décline compétence sur l’inscription au compte spécial et renvoie à la voie appropriée. Le contentieux de la tarification demeure ainsi centralisé et spécialisé, ce qui préserve la cohérence nationale des règles d’imputation.
La Cour d’appel de Rennes, le 26 juin 2025, tranche un litige relatif à un licenciement pour motif économique consécutif à la fermeture d’un site industriel. La salariée, également titulaire d’un mandat de représentation, soutenait que la cessation d’activité procédait de fautes ou d’une légèreté blâmable imputables à l’employeur et au groupe de rattachement, justifiant l’allocation de dommages et intérêts.
Les faits tiennent à l’annonce de la fermeture d’un établissement fabricant des protections respiratoires à usage unique, après un cycle d’activité marqué par l’arrêt de commandes pandémiques, une érosion des volumes et une pression concurrentielle accrue. L’autorité administrative a autorisé le licenciement, ensuite confirmé par le juge administratif. La salariée a néanmoins saisi la juridiction prud’homale pour obtenir réparation du préjudice allégué, en exposant des griefs d’absence d’investissement, de prix de transfert défavorables et de frais intragroupe jugés excessifs.
Le conseil de prud’hommes de Saint‑Brieuc, le 2 mars 2022, a retenu une légèreté blâmable à l’origine de la cessation d’activité et accordé une indemnisation à la salariée ainsi qu’au syndicat intervenant. En appel, l’employeur a soutenu l’absence de faute, soulignant la baisse structurelle du chiffre d’affaires, un résultat opérationnel négatif, la perte de marchés au profit de concurrents à bas coûts, et la normalité des redevances intragroupe. La salariée et le syndicat ont insisté sur une stratégie de recentrage du groupe, le sous‑investissement du site, la captation de marge par des sociétés de distribution internes, et la délocalisation de la production.
La question posée tenait à la caractérisation d’une faute ou d’une légèreté blâmable à l’origine de la fermeture, justifiant une responsabilité délictuelle de l’employeur et la réparation de la perte d’emploi, et, subsidiairement, au périmètre pertinent de comparaison au sein d’un groupe. La cour infirme le jugement, juge la fermeture totale et définitive, écarte toute faute, et dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
I. Le contrôle de la faute en cas de cessation d’activité
A. Autonomie du motif et office du juge
La cour rappelle d’abord un principe d’articulation des ordres de juridiction. Elle énonce que « la décision d’autorisation de licenciement prise par l’inspecteur du travail […] ne fait pas obstacle à ce que le salarié […] mette en cause […] la responsabilité de l’employeur […] y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi » (Soc., 25 novembre 2020, n° 18‑13.771). Le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier l’existence d’une faute à l’origine de la fermeture.
Elle précise ensuite l’autonomie du motif tiré de la cessation d’activité dans l’article L.1233‑3 du code du travail, et les limites de son contrôle. La solution tient en deux affirmations complémentaires. D’une part, « La légèreté blâmable […] doit être distinguée de la simple erreur d’appréciation du chef d’entreprise dont les prévisions peuvent être déjouées par les aléas de la vie économique ». D’autre part, « Sous couvert d’un contrôle de la faute, les juges du fond ne doivent pas exercer un contrôle sur les choix de gestion de l’employeur ». La référence jurisprudentielle mobilisée rappelle aussi que « Il en va ainsi d’une décision de fermeture prise par le groupe, non pas pour sauvegarder sa compétitivité, mais afin de réaliser des économies et d’améliorer sa propre rentabilité, au détriment de la stabilité de l’emploi […] » (Cass. soc., 1er février 2011, n° 10‑30.045).
Cette grille impose au demandeur d’établir des agissements fautifs déterminants, distincts d’un simple arbitrage économique défavorable. Elle cantonne le contrôle judiciaire à la recherche d’un comportement blâmable, sans substituer une gestion juridictionnelle à la gestion d’entreprise.
B. Appréciation concrète des éléments avancés
La cour confronte les griefs au bilan économique du site et au fonctionnement intragroupe. Elle retient une contraction continue des volumes après l’arrêt des commandes pandémiques, une faible progression des prix dans un marché mature, des pertes de marchés significatives et un résultat opérationnel négatif. Les frais intragroupe sont analysés comme rémunérant des services mutualisés, appliqués selon un ratio commun, et en baisse sur la période considérée.
Au regard de ces éléments, les allégations de sous‑investissement, de prix de transfert confiscatoires et de captation de marge ne suffisent pas à caractériser la décision inconsidérée exigée. La motivation est nette: « Il n’est pas démontré, en l’espèce, l’existence de décisions dans les choix de gestion ou d’investissements qui relèveraient de la faute ou de la légèreté blâmable ». La conclusion s’impose alors: « Au vu de l’ensemble de ces éléments, il doit être considéré que [la salariée] ne démontre aucune faute ou légèreté blâmable […] à l’origine de sa cessation d’activité ». La responsabilité de l’employeur est donc écartée, et le licenciement validé au titre d’une cessation totale et définitive.
II. Valeur et portée de la solution
A. Une exigence probatoire élevée, conforme au droit positif
La décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’autonomie du motif de fermeture et la charge de la preuve d’une faute qualifiée. La cour d’appel reprend la distinction décisive entre erreur de gestion et légèreté blâmable, et admet l’usage de données économiques pour apprécier le comportement sans requalifier les choix stratégiques. Elle rend opératoire la formule de principe selon laquelle « le juge ne peut […] déduire la faute […] de la seule absence de difficultés économiques », tout en pouvant « prendre en compte la situation économique de l’entreprise pour apprécier le comportement de l’employeur » (Cass. soc., 1er février 2011, n° 10‑30.045).
La motivation délivre un signal méthodologique aux plaideurs. La preuve doit viser des décisions intentionnellement défavorables ou inconsidérées ayant artificiellement construit la situation de fermeture. Des griefs généraux de sous‑investissement, de modèle commercial intragroupe, ou de rationalisation des coûts, ne suffisent pas, sauf à démontrer une logique de contournement de l’emploi incompatible avec l’intérêt social.
B. Le périmètre pertinent et l’articulation avec le groupe
La cour délimite aussi la portée du débat sur le périmètre d’appréciation au sein d’un groupe. Elle affirme que « la seule circonstance que d’autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle‑même, obstacle à ce que la cessation d’activité […] soit regardée comme totale et définitive » (Cass. soc., 6 avril 2022, n° 20‑23.234). S’agissant de la comparaison sectorielle, l’arrêt souligne l’hétérogénéité des produits, des matières, des procédés et des clientèles, excluant toute interchangeabilité avec l’unité fermée.
Cette approche rejoint la finalité de l’article L.1233‑3 en matière de fermeture: le motif s’apprécie au niveau de l’entreprise, sauf co‑emploi ou fraude caractérisée. La portée pratique est claire. Les contestations fondées sur la bonne santé d’autres entités du groupe, ou sur des stratégies collectives de recentrage, demeurent inopérantes si elles ne sont pas articulées à la preuve d’actes fautifs ayant causé la fermeture. La solution valide ainsi une ligne d’équilibre entre liberté d’entreprendre et exigence de loyauté dans la conduite des restructurations.
La Cour d’appel de Rennes, 10 septembre 2025 (8ème chambre prud’homale), se prononce sur un désistement d’appel intervenu en délibéré après la conclusion d’un accord. En première instance, le Conseil de prud’hommes de Nantes, formation de départage, le 11 mars 2021, avait accordé des rappels de salaire au titre d’un accord d’entreprise, tout en rejetant une demande de dommages-intérêts. L’employeur a exercé deux appels principaux, joints, tandis que le salarié et un syndicat ont formé un appel incident.
La clôture a été ordonnée le 10 avril 2025, l’audience s’est tenue le 24 avril 2025, et le délibéré a été fixé au 10 septembre 2025. Pendant le délibéré, un accord de principe est intervenu; l’appelant a déposé des conclusions de désistement, acceptées par les intimés, lesquels ont en outre renoncé à leur appel incident. L’appelant sollicitait qu’il lui soit donné acte de son désistement, avec décision sur les dépens; les intimés demandaient acte de leur acceptation et de leur propre désistement d’appel incident.
La question de droit portait, d’une part, sur la faculté pour la juridiction d’appel de révoquer l’ordonnance de clôture afin d’admettre des écritures de désistement déposées en délibéré, et, d’autre part, sur les effets du désistement réciproque quant à l’extinction de l’instance, le dessaisissement et les dépens. Après visa des articles 384, 385, 400 et suivants du Code de procédure civile, la juridiction retient, d’abord, qu’il y a lieu de rouvrir les débats pour intégrer ces écritures, ensuite, que l’instance s’éteint par l’effet du désistement accepté. Elle énonce ainsi: «Qu’il convient de révoquer l’ordonnance de clôture du 10 avril 2025 pour permettre d’inclure aux débats les conclusions postérieures de désistement réciproque des parties»; puis: «Qu’il y a lieu de constater l’extinction de l’instance et partant, le dessaisissement de la cour par l’effet du désistement de l’appelant accepté par les intimés». Le dispositif précise encore: «Prononce la révocation de l’ordonnance de clôture datée du 10 avril 2025», «Constate le désistement réciproque des parties des appels interjetés les 19 avril et 21 octobre 2021», «Prononce en conséquence l’extinction des instances […]», et «Renvoie les parties à l’exécution de leur accord».
I. La mise en œuvre procédurale du désistement en appel
A. Révocation de la clôture pour admettre des conclusions de désistement
La juridiction d’appel a d’abord rouvert la procédure pour assurer l’examen des écritures nouvelles signalant l’accord. Elle affirme: «Qu’il convient de révoquer l’ordonnance de clôture du 10 avril 2025 pour permettre d’inclure aux débats les conclusions postérieures de désistement réciproque des parties». La formule consacre un usage maîtrisé de la révocation de la clôture lorsqu’un événement survenant en délibéré commande la prise en compte d’un acte extinctif. L’économie du procès et la loyauté procédurale justifient une telle décision, qui garantit l’efficacité d’un accord mettant fin au litige.
Cette démarche est confirmée dans le dispositif: «Prononce la révocation de l’ordonnance de clôture datée du 10 avril 2025». La Cour d’appel de Rennes ménage ainsi l’articulation entre discipline de la procédure écrite et effet utile du désistement, sans altérer le contradictoire, les écritures de désistement ayant été réciproquement notifiées et acceptées.
B. Conditions et portée de l’acceptation du désistement
Le désistement de l’appelant n’opère qu’à la condition d’être accepté par l’intimé, sauf exceptions prévues par les textes. La décision le rappelle expressément: «désistement de l’appelant accepté par les intimés». L’exigence d’acceptation, classique en matière de désistement d’appel, assure que la partie adverse ne se trouve pas privée de prérogatives procédurales utiles, spécialement en présence d’un appel incident déjà formé.
La Cour d’appel de Rennes constate ici un désistement «réciproque». Elle en prend acte dans des termes dépourvus d’ambiguïté: «Constate le désistement réciproque des parties des appels interjetés les 19 avril et 21 octobre 2021». En présence d’une renonciation concordante, aucune difficulté ne subsiste sur la persistance d’un appel incident autonome; la voie de recours s’éteint intégralement par la volonté concordante des parties.
II. Les effets du désistement sur l’instance et les accessoires
A. Extinction de l’instance et dessaisissement de la juridiction d’appel
La décision dégage nettement les conséquences de l’acte extinctif. Elle énonce: «Qu’il y a lieu de constater l’extinction de l’instance et partant, le dessaisissement de la cour par l’effet du désistement de l’appelant accepté par les intimés». L’extinction de l’instance, au sens des articles 384 et 385 du Code de procédure civile, emporte dessaisissement de la juridiction d’appel, laquelle ne peut plus statuer au fond.
Le dispositif, parfaitement cohérent, tire les conséquences procédurales: «Prononce en conséquence l’extinction des instances ouvertes sous les numéros de RG 21/2435 et 21/6615 jointes sous le RG 21/2435». La solution préserve la stabilité de la décision prud’homale devenue définitive en l’absence de recours maintenu; elle met un terme ordonné au litige par la voie conventionnelle.
B. Dépens, transaction et sort de l’appel incident
La juridiction accompagne l’extinction d’un renvoi à l’accord conclu, dans une logique d’effectivité transactionnelle: «Renvoie les parties à l’exécution de leur accord». La portée de la décision se situe autant dans la validation procédurale de l’accord que dans sa mise en œuvre, désormais détachée du contrôle contentieux.
La solution retenue pour les dépens s’inscrit dans le principe gouvernant le désistement: à défaut de meilleure convention, les frais incombent au désistant. Cette répartition, annoncée par les écritures et consacrée par le dispositif, traduit l’équilibre usuel entre liberté de se désister et prise en charge des charges procédurales. L’appel incident ayant été abandonné par les intimés, aucune survie autonome du recours ne subsiste; la règle classique de l’indépendance relative de l’appel incident devient sans objet dans l’espèce, la renonciation convergente assurant l’extinction totale de l’instance d’appel.
Rendue par la Cour d’appel de Toulouse le 10 juillet 2025, la décision commente la fixation de la date de consolidation à la suite d’un accident du travail. L’enjeu porte sur la stabilisation des lésions, malgré des soins encore dispensés et l’existence d’un état antérieur. La cour rappelle d’emblée que « Le litige soumis à la cour, comme au tribunal judiciaire saisi d’une contestation de la décision de la commission médicale de recours amiable du 12 avril 2022, ne concerne que la date de consolidation des lésions retenue par la caisse. » L’assuré, charpentier, blessé le 3 juin 2019, avait été pris en charge au titre du risque professionnel. La caisse avait fixé la consolidation au 8 janvier 2022 et attribué un taux d’incapacité permanente partielle à 12%. La commission médicale de recours amiable rejeta la contestation. Le pôle social du tribunal judiciaire d’Agen ordonna une expertise, dont le rapport confirma la date litigieuse, puis retint la consolidation au 8 janvier 2022. En appel, l’assuré sollicitait une consolidation au 14 mars 2023, subsidiairement une nouvelle expertise. La cour confirme le jugement et rejette la demande de nouvelle mesure.
La question posée est celle des critères permettant de retenir la consolidation, lorsqu’un assuré allègue la poursuite de soins actifs et une amélioration postérieure, et de l’office du juge social face à un rapport d’expertise concluant à la stabilisation. La réponse tient au rappel rigoureux de la définition de la consolidation, à la prise en compte de l’état antérieur et à l’appréciation de l’utilité d’une nouvelle expertise. « La consolidation est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif. » Elle « n’implique donc pas la guérison des lésions, mais leur stabilisation, de sorte que les séquelles définitives, en relation avec l’accident du travail initial, puissent être déterminées. » L’analyse portera d’abord sur le sens de la solution retenue, puis sur sa valeur et sa portée.
I. Les critères jurisprudentiels de la consolidation et leur application au litige
A. La définition opératoire de la consolidation et sa fonction d’évaluation des séquelles
La cour réaffirme une conception fonctionnelle de la consolidation, distincte de la guérison. Le cœur de la solution est centré sur la stabilisation des lésions, qui permet de mesurer l’incapacité et d’ouvrir, le cas échéant, le temps des séquelles. La double formule citée, particulièrement claire, fixe la grille de lecture du litige. Elle rappelle que la poursuite de soins d’entretien n’exclut pas, en soi, la consolidation, dès lors qu’ils visent seulement à prévenir une aggravation et non à améliorer substantiellement une lésion encore évolutive.
Appliquée aux éléments du dossier, cette définition conduit à neutraliser l’argument tiré par l’assuré de la poursuite de soins actifs au-delà du 8 janvier 2022. L’amélioration alléguée ne suffit pas si elle ne correspond pas à une évolution thérapeutique significative en lien direct avec les séquelles de l’accident. La cour retient que les documents produits postérieurement n’établissent pas une contradiction avec la stabilisation fixée, au regard des constatations médicales détaillées. L’introduction d’un taux d’incapacité et l’allocation d’une indemnité forfaitaire confirment la logique de séquelles stabilisées, conformément aux principes rappelés.
B. Le rôle déterminant de l’expertise et l’office du juge social dans la fixation de la date
L’expertise diligentée sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de la sécurité sociale occupe une place cardinale. Le rapport motive expressément la consolidation au 8 janvier 2022, en s’appuyant sur l’absence de perspectives thérapeutiques nouvelles et sur l’analyse de l’état antérieur. La cour cite l’expert, dont la conclusion éclaire la méthode suivie : « en l’état actuel du dossier et au regard de la pathologie initiale prise en charge médicalement, de l’imagerie, de l ‘état antérieur avéré et de l’absence de perspectives thérapeutiques nouvelles, nous considérons que l’état clinique en lien direct et exclusif avec l’accident de travail pouvait être considéré comme consolidé au 8 janvier 2022, soit deux ans après l’accident, sans séquelles indemnisables en lien direct exclusif et certain avec l’accident. Les soins poursuivis à ce jour sont à prendre en compte au titre de la pathologie antérieure qui évolue pour son propre compte ».
La cour apprécie ensuite souverainement la valeur probante des pièces versées après la date litigieuse. Elle constate que, « indépendamment des séquelles de l’accident du travail, le salarié souffrait ‘d’un lourd état antérieur’ sous forme ‘d’une calcification de l’enthèse du long biceps et des parties molles en faveur d’une souffrance chronique et donc sans relation avec l’accident du travail’. » L’existence d’un état antérieur dissocie le besoin de soins de la lésion professionnelle stabilisée. Dès lors, la preuve d’une évolution en lien direct avec l’accident n’est pas rapportée. Il s’ensuit l’absence d’utilité d’une nouvelle mesure, la cour tranchant en ces termes nets : « C’est pourquoi, sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à une nouvelle expertise, le jugement entrepris sera confirmé. »
II. La valeur et la portée de la solution confirmative de Toulouse
A. Une solution conforme aux principes, centrée sur la stabilisation et la causalité directe
La décision s’inscrit dans une ligne constante qui dissocie la guérison et la consolidation, et exige, pour décaler la date, un projet thérapeutique nouveau ou une évolution objectivée en lien direct. Le recours au critère de l’absence de « perspectives thérapeutiques nouvelles » concorde avec la finalité de la consolidation, qui organise le passage de l’indemnisation temporaire à la réparation des séquelles permanentes. La cour maintient aussi une exigence de causalité stricte entre la lésion professionnelle et les soins invoqués, afin d’éviter que l’état antérieur ne brouille l’analyse.
La motivation, nourrie par l’expertise, est suffisamment circonstanciée. La citation selon laquelle « Les soins poursuivis à ce jour sont à prendre en compte au titre de la pathologie antérieure qui évolue pour son propre compte » répond précisément à l’argumentation tenant à la persistance de douleurs et à la poursuite de la rééducation. La solution protège l’égalité de traitement en évitant un glissement indéfini de la période temporaire. Elle préserve, en outre, la cohérence du barème d’évaluation des séquelles en fixant un repère temporel médicalement justifié.
B. Une portée pratique notable sur la conduite des recours et le recours à l’expertise
La décision éclaire la ligne de partage entre séquelles consolidées et symptômes attribuables à un état antérieur. Elle incite les assurés à documenter un projet thérapeutique précis, des examens concordants et une amélioration attendue en lien direct avec la lésion initiale, s’ils souhaitent contester utilement la date retenue. À défaut, la consolidation demeure acquise, malgré des soins d’entretien ou une amélioration ressentie. Cette exigence renforce la prévisibilité des décisions et rationalise les contentieux.
La portée concerne aussi l’opportunité d’une nouvelle expertise en appel. L’arrêt montre que l’absence d’éléments médicaux nouveaux ou contradictoires commande la confirmation, sans réouverture systématique des débats techniques. Cette approche limite les délais et recentre le contentieux sur la preuve médicale pertinente. Elle rappelle que l’expertise n’est pas un droit mais un instrument soumis à l’utilité démontrée. Enfin, en confirmant la date, la cour fixe un cadre d’action clair pour la liquidation des droits et la stabilisation des rapports entre l’assuré et l’organisme compétent.
La Cour d’appel de Paris, 11 septembre 2025, se prononce sur la prise d’acte d’un cadre dirigeant fondée sur des agissements de harcèlement moral. L’enjeu principal concerne l’articulation du régime probatoire et la qualification des faits retenus. L’arrêt fixe ensuite les effets de la prise d’acte et les conséquences indemnitaires, y compris le préavis conventionnel et le remboursement des allocations de chômage.
Les faits tiennent à une dégradation alléguée des conditions de travail, matérialisée par des reproches acerbes, des dénigrements répétés et un turnover élevé, attestés par plusieurs salariés. Aucune pièce médicale n’était produite. La salariée a pris acte de la rupture le 10 août 2018, puis a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 12 septembre 2018. Le jugement du 11 janvier 2022 a retenu la nullité et alloué diverses sommes. L’employeur a interjeté appel, contestant le harcèlement et la qualification de la rupture. La salariée a sollicité la confirmation, avec revalorisation du préavis et du quantum du harcèlement.
La question de droit porte sur la caractérisation d’un harcèlement moral au regard du mécanisme probatoire légal, et sur les effets d’une prise d’acte fondée sur ces manquements. La cour confirme l’existence d’un harcèlement, juge la prise d’acte justifiée et lui fait produire les effets d’un licenciement nul, en réévaluant le préavis selon la convention applicable et en ordonnant le remboursement des indemnités de chômage.
**I. Harcèlement moral et régime probatoire**
**A. Le cadre normatif et la méthode d’examen des faits**
L’arrêt rappelle d’abord la définition légale du harcèlement moral. Il énonce que « Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Cette référence place l’analyse sous l’angle de la finalité et de l’effet, non de l’intention.
La cour rappelle ensuite la répartition de la charge probatoire. Elle cite que « Il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. » La formule « laissent supposer » confirme une étape probatoire assouplie avant le basculement de la charge.
La nullité de la rupture s’ensuit en cas de méconnaissance des textes protecteurs. L’arrêt cite que « Selon l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1152-1 du même code est nul. » Cette conséquence renforce la portée pratique de la qualification.
**B. La qualification des éléments et l’échec de la preuve contraire**
La cour retient des attestations précises et circonstanciées, décrivant des « hurlements », des « séances d’humiliation » et un climat dégradé, sans qu’un certificat médical soit indispensable. Elle statue que « La salariée présente ainsi des éléments de fait, qui pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. » La cohérence d’ensemble l’emporte sur l’atomisation des faits.
La charge bascule alors sur l’employeur, à qui il « incombe par conséquent […] de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. » Les arguments tirés de manquements supposés de la salariée ne suffisent pas, faute notamment de traitement disciplinaire régulier et d’éléments objectifs précis. La cour conclut que « Ainsi, l’employeur ne prouve pas que les agissements présentés par la salariée ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement qui sera donc retenu. » L’arrêt s’inscrit dans une jurisprudence désormais stable, attentive aux attestations circonstanciées et à la dynamique globale du conflit.
**II. Prise d’acte justifiée et conséquences**
**A. La qualification de la rupture au regard des manquements**
La cour expose d’abord le régime de la prise d’acte. Elle énonce que « Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur qui empêchent la poursuite du contrat. » Elle précise encore que « L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. » Le juge apprécie donc tous les manquements invoqués, même non mentionnés dans la lettre.
La solution de droit positif est rappelée sans ambiguïté. L’arrêt cite que « Enfin, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances, si les faits invoqués le justifient, soit d’une démission dans le cas contraire. » Après avoir retenu le harcèlement, la cour applique ce régime. Elle juge que « Ces agissements ayant pour effet de porter atteinte à l’honneur de la salariée et aux conditions de travail de celle-ci caractérisent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat. La prise d’acte de la rupture est dès lors justifiée et doit produire les effets d’un licenciement nul. » La solution lie ainsi étroitement nullité et violation des règles protectrices de la santé au travail.
**B. Les suites indemnitaires et accessoires**
S’agissant du préavis, l’arrêt mobilise la combinaison du code et de la convention. Il rappelle utilement que « Selon l’article L.1234-5 du même code, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. » Au regard du statut cadre et des stipulations conventionnelles, la cour retient trois mois. Elle décide que « Au regard du salaire et des avantages perçus par la salariée tel que ressortant de l’attestation destinée à Pôle emploi, il convient de lui allouer une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 18.752 euros bruts, outre la somme de 1.875 euros bruts de congés payés afférents. » L’articulation opère selon la règle du plus favorable.
L’indemnité légale de licenciement est confirmée, sur le fondement des articles L.1234-9 et R.1234-2, après choix de l’assiette la plus avantageuse. L’arrêt rappelle que « Aux termes de l’article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. » Le calcul respecte les modalités réglementaires.
Pour l’indemnité due en cas de nullité, la cour applique le plancher légal. Elle reproduit que « L’article L. 1235-3-1 du code du travail dispose que l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. » L’arrêt ajoute enfin que « Eu égard à l’ancienneté de la salariée, à son âge et à son salaire, il lui sera alloué la somme de 38.000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement nul. » Le montant dépasse le plancher et demeure proportionné aux données du dossier.
La décision ordonne aussi le remboursement des indemnités de chômage, conformément au texte. L’arrêt rappelle que « En dernier lieu, l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la rupture, dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. » En application, « Compte tenu des développements précédents, il sera ordonné d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées par eux à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités. » L’économie de l’arrêt s’inscrit ainsi dans une cohérence complète entre protection substantielle et sanctions accessoires.
Cour d’appel de Nîmes, 23 juin 2025, 5e chambre sociale. L’arrêt tranche un litige relatif à la rémunération de jours de congés dits « prépositionnés » prévus par un accord d’entreprise. Le salarié, posté en horaires continus, reprochait à l’employeur l’absence de majoration spécifique au même taux que les congés payés. La question portait, non sur l’existence de ces jours, mais sur leur traitement indemnitaire conforme aux stipulations conventionnelles.
Engagé en 2007 comme contrôleur qualité, le salarié bénéficiait de 31 jours de congés payés annuels, dont 11 « prépositionnés » selon un accord du 31 mars 2005. Il soutenait que ces 11 jours n’avaient pas été régulièrement identifiés et majorés sur ses bulletins de salaire. La matérialité du travail posté et le cycle de cinq semaines structuraient l’organisation temporelle du repos.
Le Conseil de prud’hommes de Nîmes, le 2 juin 2022, a retenu un manquement sur la majoration, assorti d’une condamnation pécuniaire et de rectifications de paie. Saisi par l’employeur, l’arrêt du 18 novembre 2024 a figé le périmètre du débat et rouvert l’instruction sur le quantum. La Cour précise alors: « Par arrêt en date du 18 novembre 2024, la présente cour a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a considéré que le salarié a bien bénéficié de 11 jours prépositionnés rémunérés, […] et, concernant la majoration des 11 jours de congés prépositionnés, ordonné la réouverture des débats afin que les parties produisent un décompte sur la base d’un taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel sur les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes et éventuellement les sommes échues depuis. » La décision du 23 juin 2025 constate un décompte non contesté et fixe un rappel brut de 2 601,76 euros, refuse des dommages-intérêts autonomes, organise les intérêts et la capitalisation.
I. Le sens de la solution retenue sur la majoration des jours prépositionnés
A. Les éléments factuels et conventionnels déterminants
L’arrêt réaffirme la réalité des 11 jours « prépositionnés », intégrés à l’enveloppe annuelle des congés payés par l’accord d’entreprise. La juridiction d’appel confirme que le salarié en a effectivement bénéficié et que la discussion ne porte plus sur leur acquisition, mais sur la rémunération additionnelle due au titre de ces jours particuliers. Cette clarification recentre le litige sur la stricte exécution des stipulations conventionnelles et de leur équivalence avec le régime légal du congé payé.
Il s’en déduit un rattachement fonctionnel de ces jours au droit au repos payé, avec une logique d’homogénéité de traitement. La première décision prud’homale avait d’ailleurs retenu que l’employeur n’avait pas permis au salarié de bénéficier de la majoration « au même taux que les congés payés ». La cour d’appel s’inscrit dans cette lecture, en validant le principe d’une majoration autonome, distincte du simple maintien du salaire.
B. La méthode de calcul et ses effets chiffrés
Le cœur technique de l’arrêt réside dans la méthode de calcul arrêtée par la Cour lors de la réouverture. Le taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel sert de base sur les trois années antérieures à la saisine, ce qui internalise la prescription prud’homale et sécurise la liquidation. La précision suivante, tirée des motifs, apporte un élément utile d’assiette: « Le salarié ne réclame pas l’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme. » L’enjeu se limite ainsi à la seule majoration conventionnelle, sans double compte.
Le décompte produit par l’employeur n’étant pas contesté, la Cour l’entérine et arrête le solde à 2 601,76 euros bruts. Sur les accessoires, elle ordonne l’application usuelle des intérêts selon la nature des créances. Le dispositif « Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial […] et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré […] et à compter du présent arrêt pour le surplus ». La capitalisation des intérêts, également ordonnée, parachève le régime financier et renforce l’effectivité de la réparation.
II. La valeur et la portée de la décision dans l’ordonnancement du droit du repos payé
A. La cohérence normative et la maîtrise des dommages-intérêts autonomes
La solution confirme la nécessaire équivalence de traitement entre jours « prépositionnés » et congés payés, dès lors que l’accord les range dans la même catégorie fonctionnelle. Elle préserve l’effet utile de l’avantage conventionnel, sans créer un régime tiers déconnecté du droit au repos. Sur le terrain de la responsabilité, la Cour applique avec sobriété l’article 1231-6 du code civil, exigeant un préjudice spécifique et la mauvaise foi du débiteur. La motivation est nette: « Il n’est pas démontré l’existence d’un préjudice spécifique ni la mauvaise foi de l’employeur. » Le refus de dommages-intérêts autonomes maintient un strict principe de réparation intégrale, évitant toute surcompensation.
Ce calibrage rejoint une jurisprudence prudente, qui distingue le rappel de salaire dû au titre de l’exécution défectueuse du contrat, et les dommages-intérêts moratoires ou compensatoires, subordonnés à la preuve d’un préjudice distinct. L’arrêt se montre ainsi conforme à la logique du droit positif, tout en rappelant aux employeurs l’exigence de lisibilité des bulletins et de conformité des paramétrages paie.
B. Les implications pratiques pour les entreprises et le contentieux social
La fixation d’une méthode claire de calcul et l’acceptation d’un décompte non contesté favorisent la prévisibilité des coûts et la pacification des litiges à l’échelle de l’entreprise. La portée pratique se lit aussi dans l’organisation des intérêts et leur capitalisation. En décidant: « Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil », la Cour incite à une exécution rapide et complète.
L’arrêt, s’il demeure une décision d’espèce, propose un chemin opératoire transposable: identification conventionnelle des jours « prépositionnés », assimilation au régime des congés payés pour la majoration, liquidation circonscrite par la prescription, et accessoires financiers ordonnés selon la nature des créances. La rectification des bulletins sur trois ans parachève l’objectif de sécurité juridique et de conformité documentaire, tout en limitant le contentieux récurrent sur des périodes anciennes. Cette structuration méthodique confère à la solution une portée régulatrice quotidienne, sans excéder la cohérence du droit du temps de travail et du repos.
Cour d’appel de Montpellier, 18 juin 2025. Un cadre, engagé en 2003, a été informé par message interne qu’il ne faisait plus partie de l’entreprise, avant d’être convoqué puis licencié pour faute grave. L’employeur avait simultanément bloqué ses accès et prononcé une mise à pied conservatoire. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale, laquelle a retenu un licenciement verbal et alloué diverses sommes. L’employeur a interjeté appel, contestant la qualification de rupture et sollicitant, en outre, la restitution d’une contrepartie de non‑concurrence.
La cour était invitée à déterminer si une communication interne, rédigée en termes généraux et définitifs par un supérieur hiérarchique, constitue la manifestation non équivoque d’une volonté de rompre, rendant inopérants les actes disciplinaires et la notification ultérieure. Elle devait aussi apprécier les accessoires de la rupture, dont l’indemnisation du préjudice moral et l’exécution d’une clause de non‑concurrence. La cour confirme l’existence d’un licenciement verbal, fixe la date de la rupture au jour du message, maintient les sommes liées au préavis, à l’indemnité légale et au préjudice moral, ajuste l’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse, et retient la violation de la clause de non‑concurrence avec restitution de la contrepartie.
I. La qualification de licenciement verbal et ses effets
A. L’exigence d’une volonté de rompre non équivoque
La cour ancre son analyse dans les exigences de motivation et dans la prohibition des ruptures verbales. Elle rappelle que « En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer les motifs du licenciement dans la lettre le notifiant au salarié. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ». Elle souligne ensuite que « Il est admis que le licenciement verbal est donc nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et le fait pour l’employeur de convoquer par la suite le salarié à un entretien préalable ou de lui notifier son licenciement ne régularise pas la rupture du contrat de travail qui reste sans cause réelle et sérieuse ».
Le critère directeur réside dans l’extériorisation d’une décision de rompre. La cour énonce que « S’agissant de la date à laquelle intervient le licenciement, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin ». Appliquant ce principe, elle relève que « la formulation générale et définitive de la supérieure hiérarchique du salarié manifeste la volonté de l’employeur de mettre fin au contrat de travail le 2 février 2021 à 19h27 ». L’appréciation repose sur le caractère catégorique des termes adoptés devant l’équipe et la hiérarchie, révélant une décision irrévocable, étrangère à une simple mesure conservatoire.
B. La fixation de la date de rupture et l’irréversibilité des conséquences
La conséquence directe tient à l’inefficacité des diligences ultérieures. La cour juge que « Par conséquent, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, la convocation à un entretien préalable ou la notification ultérieure de son licenciement étant inopérantes ». La date de la rupture se situe au jour de la communication interne; le licenciement ne pouvant être régularisé, le salarié recouvre le salaire de la période de mise à pied et les accessoires.
Sur le terrain indemnitaire, la solution s’articule autour des textes applicables. Le préavis est dû conformément à l’article L.1234‑1; l’indemnité légale de licenciement est acquise au regard de l’article L.1234‑9. L’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse est appréciée in concreto, à l’aune de l’article L.1235‑3. La cour retient des éléments d’âge, de qualification et de perspectives d’emploi, afin de calibrer le montant. Cette motivation, méthodique et circonstanciée, s’inscrit dans l’économie du barème légal et conforte la prévisibilité des réparations.
II. Les accessoires de la rupture et leur traitement par la juridiction d’appel
A. Le caractère vexatoire de la rupture et la réparation du préjudice moral
La cour rappelle qu’« Le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail peut résulter des conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu et des circonstances qui l’ont entouré ». Sont relevées deux données significatives: le non‑respect de la procédure, corrélat de la qualification de licenciement verbal, et une récupération intempestive du matériel professionnel au domicile, en soirée, en présence d’un enfant, sans annonce effectivement reçue.
La combinaison de ces circonstances traduit une atteinte aux formes et à la dignité du salarié. Une somme spécifique est allouée à ce titre, en plus des réparations liées à l’irrégularité de la rupture. La distinction entre le préjudice moral autonome et les sommes afférentes à l’absence de cause réelle et sérieuse est clairement opérée, ce qui évite les doubles emplois et respecte la finalité de chaque chef indemnitaire.
B. La clause de non‑concurrence: charge de la preuve et restitution de la contrepartie
S’agissant des obligations post‑contractuelles, la cour pose le principe que « Il est admis que la preuve de la violation de la clause est à la charge de l’employeur ». La clause, limitée dans le temps et l’espace, visait l’interdiction d’exercer une activité concurrente de services de téléconférence pendant six mois sur le territoire désigné, en contrepartie d’une indemnité versée après la rupture.
L’employeur a rapporté la preuve d’actes positifs de concurrence durant la période couverte, au moyen d’éléments numériques concordants. La violation emporte déchéance du droit à contrepartie financière et restitution des sommes versées. La solution est classique: la contrepartie est due tant que l’obligation est respectée; la méconnaissance documentée justifie le remboursement, sans préjudice des sommes acquises par ailleurs au titre de la rupture illicite. L’articulation entre les régimes demeure nette: l’irrégularité de la rupture n’efface pas la force obligatoire d’une clause valable et proportionnée.
Cette décision clarifie l’usage des communications internes comme indice décisif de la volonté de rompre, tout en rappelant la portée autonome des accessoires. Elle sécurise la chronologie des effets de la rupture et affine la cohérence des réparations, sans affaiblir la rigueur attachée aux engagements post‑contractuels dûment prouvés.